• Anaïs Boudot . Pablo Picasso . Brassaï
  • 80 pages
  • 21,5 x 29 cm
  • 979-10-92727-45-6
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Les oubliées

Dès lors, près d’un siècle plus tard, à un moment où de jeunes artistes convoquent les procédés anciens pour des expressions contemporaines, comment réinterpréter et prolonger ce face à face de l’artiste avec la plaque de verre, sa lumière et sa matière ? De même, dans une époque qui revendique la place des femmes dans l’histoire de l’art, comment interroger ou bousculer ce phénomène si ordinaire de domination, qu’il s’agisse du rapport aux femmes des artistes eux-mêmes, ou d’une certaine forme de résistance encore aujourd’hui de placer les artistes femmes au en centre du jeu/JE.

 

Nous avons choisi de demander à Anaïs Boudot de relever ce défi, celui d’un vis-à-vis artistique autour du cliché verre, comme celui d’une réponse à ce voil longtemps (im)posé sur les artistes femmes. Anaïs Boudot réalise ici une série de créations sur un ensemble de plaques de verre anonymes de sa collection représentant toutes des figures féminines. Une modernité dans les matières, dans la lumière comme dans le ton qui bouscule et s’impose à la fois dans ce dialogue avec Picasso et Brassaï.

C’est à la suite d’une plaque de verre oubliée par Brassaï dans l’atelier de Picasso que ce dernier commença à développer un travail particulier sur ce support. « Et en effet, elle n’est plus vierge » s’écria Brassaï en découvrant la plaque retravaillée par Picasso comme le rappelle Héloise Conésa dans son introduction. Reprenant les propos d’Anne Baldassari, elle poursuit : « l’artiste-toro se penche sur la plaie mortelle qu’il inflige au réel afin qu’il advienne la figure si belle sur la plaque d’argent ». A son tour quelques années plus tard Brassaï commença sa série des Transmutations par lesquelles il grave non pas sur des plaques vierges mais sur des négatifs originaux.

Face à ces deux monstres sacrés de l’art moderne, Anaïs Boudot répond à une invitation de The Eyes, en reprenant sa propre collection de visages anonymes sur verre, pour les retravailler à même la gélatine. Parmi ces portraits d’anonymes des années 20-30 et 40 s’imposent les visages de femmes. Là où chez Picasso et Brassaï le grattage de la gélatine s‘apparente à un « acte chirurgical beaucoup plus intrusif pour faire ressortir la plastique de l’œuvre », Anaïs Boudot choisit la dorure pour redorer ces images d’inconnues, sublimer l’image de ces femmes, ces muses si peu considérées par ces maîtres et oubliées de l’histoire de l’art. C’est dans cette démarche autant instinctive qu’expérimentale que s’inscrit le travail d’Anaïs Boudot, celle de rendre visible l’invisible.