Enfant, j’étais captivée par l’imaginaire fantasmagorique qui débordait de l’album de famille de mes parents. J’aimais beaucoup m’y plonger en mes heures perdues, surtout à l’heure de leur sieste. Je me racontais alors un tas d’histoires romancées, inspirées des films égyptiens diffusés alors à la télé libanaise. Plus tard, j’avais quitté le Liban en emportant une seule photo dans ma valise : celle de mon petit copain en maillot de bain, me souriant sur la plage. Mes photos de famille, le besoin de les (a) voir ici chez moi en France, est arrivé bien plus tard. Je ne pourrai pas dire quand exactement. Mais depuis quelques années, je remarquais que ma mère me les concédait de plus en plus volontiers à chaque passage au Liban. Alors je me suis demandé si l’âge avançant, ma mère ne cherchait pas à me léguer via ces photos, une mémoire de famille faite justement pour être transmise et enrichie d’ascendant en descendant. Et si, comme dans une passation de bijoux de famille, elle ne me chargeait pas inconsciemment de les confier un jour à mon tour à mes nièces et neveux, faute d’avoir moi-même d’enfants.” R.S.
“À partir d’un certain nombre d’années après la mort, le visage ne change plus. La netteté des traits, le feu des pupilles, le brillant du regard demeurent. Le temps est vaincu. L’être cher est là, devant nous, en photo, et le sera à tout jamais. Nimbé d’une aura éternelle. L’usure n’a plus de prise sur lui. Son portrait n’est plus seulement un portrait : il est l’être disparu lui-même. Inaccessible au temps désormais. Intouché. Intouchable. Vivant. Et ainsi dans les siècles des siècles.
De toutes et tous que reste-t-il à la fin ? Quelques photos. Un portrait que l’on se transmet, que l’on ressort de loin en loin pour montrer aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants qui était Oncle Pierre, qui était Mamie d’Oran.” S.P.