« Certains contextes indiquent si clairement nos intentions que nous n’avons même pas besoin de les exprimer pour être compris. Avec The Tourist, Kourtney Roy se distingue une fois encore comme une virtuose de la création contextuelle.
The Tourist contient toutes les marques de fabrique de Roy que nous aimons et attendons : l’autoportrait, une approche cinématographique, sa palette colorée bien particulière, ainsi qu’une tension entre le clin d’œil spirituel et l’atmosphère sinistre, la convention et le bizarre, le chic et le toc.
Nous découvrons aussi avec plaisir que les frontières entre la réalité et l’imaginaire sont brouillées. Mais la qualité hors pair de The Tourist tient à l’organisation méticuleuse du moment où nous quittons notre monde extensif pour pénétrer dans son monde intensif.
Roy crée une métaphore visuelle d’un univers que nous croyons connaître. Néanmoins, son emploi magistral de la juxtaposition nous souffle qu’il ne s’agit pas du monde que nous pensions. Les détails sont méticuleusement ciselés et agencés, les scènes, à la fois familières et étranges. Le masque de plongée au-dessus de la bouche d’où pend une cigarette, la serpillière du garçon de piscine abandonnée près d’un faux temple ; les mules en poils proches de l’eau ne sont jamais une bonne idée, de même les talons aiguilles sur le bord glissant d’un bassin.
L’effet global est celui d’un grand coup de marteau assené sur le cliché des vacances. D’après de nombreuses études, la plupart des gens préfèrent l’anticipation et le souvenir à l’expérience réelle de leurs congés. Voilà pourquoi les photos sont si importantes pour eux. Elles éliminent les déceptions et créent un souvenir nacré de plaisirs qui n’ont pas eu lieu.
Roy inverse le rituel en nous emmenant dans un décor apparemment glamour, mais qui en réalité est beaucoup plus proche de notre propre expérience : des coups d’un soir transformés en liaisons romantiques ; l’ennui qui pousse à vider une bouteille d’alcool selon une version extrême du cocktail savouré en bord de piscine ; la crème glacée qui fond et coule parmi les bijoux en toc ; une impression d’inquiétude, comme si quelqu’un allait crier « Requin ! », mais pas pour signaler la présence d’une baudruche en plastique turquoise…»
Del Barrett, extrait.